Anxiété

L’anxiété, l’angoisse, la peur, le stress … Nous utilisons ces mots pour décrire souvent le même état mais est-ce vraiment la même chose ? Eliminons déjà le mot stress qui, malgré le fait d’être utilisé dans le langage populaire comme synonyme de l’anxiété, ne veut pas vraiment dire la même chose. Le stress est un état adaptatif qui apparait lorsqu'une situation exige à ce que nos capacités soient poussées à leur niveau extrême. Le stress est donc une réaction biologique et psychique qui nous permet de nous adapter à une situation difficile et qui ne pose pas de problème lorsque la durée est limitée. Lorsque le stress perdure, il devient nocif pour l’organisme. Le mot stress ne définit donc pas une émotion, contrairement à l’anxiété, l’angoisse ou la peur. Et ces trois alors, est-ce la même chose ?

J’ai pour l’habitude de dire à mes patients que si dans les écrits savants de la psychologie il y a des différences entre les trois, physiologiquement parlant il s’agit toujours de la même émotion, la peur. Lorsque cette peur atteint un niveau très intense, on parle de la crise d’angoisse, crise de panique ou encore, anciennement, de la crise de spasmophilie.

Voyons déjà ce qui est la peur. La peur est une émotion et comme toute émotion, elle est nécessaire pour notre existence même si parfois nous nous en passerions bien. Prenons l’exemple de la faim (qui n’est pas une émotion mais qui a un fonctionnement similaire). Lorsque le cerveau constate que nous manquons d’énergie, il génère la sensation de faim qui est censée nous mettre en action pour résoudre le problème, dans ce cas-ci : d’aller manger. Une émotion est également une sensation qui cherche à nous mettre en action pour résoudre un problème.

Si la faim survient lorsque notre niveau de carburant est bas, la peur survient lorsque le cerveau détecte un danger. Ce danger peut être réel ou imaginaire; autrement dit, une pensée peut représenter un danger. Si je dois passer mon permis de conduire et que j’ai la pensée « Et si je n’y arrive pas ? » le cerveau traite cette pensée comme un danger et génère de la peur.

En quoi la peur, nous est-elle utile ? Pour cela, il faut savoir que l’évolution de notre cerveau ne va pas à la même vitesse que l’évolution de notre mode de vie. On peut même dire que notre cerveau a un fonctionnement préhistorique par rapport à notre vie moderne. Si dans la préhistoire presque tout danger représentait un danger de mort, ce n’est plus le cas de nos jours. Notre cerveau n’a pas vraiment une réaction appropriée à nos "dangers" modernes comme rater son permis ou perdre son téléphone portable. Face à tout type de « danger », il se comporte toujours comme si on se retrouvait face à un lion, un serpent, un incendie ou autre danger vital.

Face à un danger vital, le cerveau ne connait que trois façons pour nous sauver la vie : fuir, se battre ou se figer. La peur est donc en réalité une réaction face à un danger et son but est de nous préparer à faire face à ce danger. La réaction physiologique de la peur est la même que celle lorsque nous faisons un effort physique.

C’est là qu’on commence à mieux comprendre toutes ces sensations désagréables que nous ressentons lorsque nous avons peur. Chacune de ces trois réactions (la fuite, le combat, l'immobilité) va mobiliser nos muscles et le carburant de nos muscles est l’oxygène. Pour que les muscles aient assez d’oxygène, notre respiration se raccourcit (comme après avoir couru). Cela peut créer la sensation désagréable de ne pas pouvoir respirer mais c’est bien le contraire qui se produit. De nos poumons, l’oxygène passe dans le sang et pour que le sang arrive vite jusqu’aux nos muscles, le cœur se met à battre très fort. Parallèlement à ça, notre cerveau dirige toute notre énergie sur notre « survie » et « déconnecte » certaines fonctions qu’il juge moins utiles sur le moment, telles que la motricité fine (ça peut donner une sensation de raideur dans les doigts) ou encore la digestion (ce qui stoppe la salivation et donne la sensation désagréable de la bouche sèche). L’accès à la mémoire à long terme est limité car lorsqu’on est en danger, on doit agir vite et donc il vaut mieux se baser sur ses réflexes qui sont rapides plutôt que sur nos connaissances stockées dans la mémoire à long terme. Pour couronner le tout, on se met à transpirer pour que "la machine" ne surchauffe pas pendant l'effort physique que la peur cherche à générer mais qui pourtant, la plupart du temps, n'arrive pas.

Vous commencez à voir à quel point la réaction archaïque de notre cerveau est adaptée face à un vrai danger alors qu’elle ne nous rend pas service lorsque nous ne trouvons plus notre carte de crédit ou que nous passons à un examen ?

Tout cet ensemble des réactions physiologiques proviennent d’un sous-système de notre système nerveux central, qu’on appelle le système nerveux orthosympatique.

Le résultat est donc que nous nous retrouvons avec une quantité importante d’oxygène dans le sang qui est censé être consommé par nos muscles lorsque nous faisons un effort physique. Si cet oxygène n’est pas consommé (ce qui est souvent le cas) et que sa quantité dépasse une certaine limite, nous pouvons entrer dans un état d’hyperventilation qui amène son petit lot des sensations très désagréables (et angoissantes à leur tour) comme des fourmillements, des bourdonnements, des vertiges ou des hallucinations visuelles. Si vous vous êtes déjà demandé pourquoi dans les films on fait respirer une personne en panique dans un sac en papier, c’est précisément pour cette raison : faire baisser le taux d’oxygène dans le sang pour diminuer tous ces symptômes très désagréables.

Si aujourd’hui le rôle des pensées conscientes ou inconscientes dans la formation des émotions est une évidence, cela n’a pas toujours été le cas. La thérapie cognitive vise précisément l’étude des pensées qui sont à l’origine de la peur mais également d’autres émotions comme la colère, la tristesse, la culpabilité, la honte, etc.

On retrouve donc la base des théories cognitivo-comportementales qui nous apprennent l'équation suivante :